Le plan de paix [lire ici] que proposent Israël et les USA pour Gaza n’est pas seulement un piège, il répète aussi les erreurs du passé, qui n’ont précisément pas conduit à la paix.
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- La résistance est réduite au terrorisme et le terrorisme est réduit à ce que fait le Hamas ; il n’y a aucune mention du terrorisme d’Israël. Dans ce contexte, il n’y a ni génocide, ni occupation.
- Les limites du retrait des troupes israéliennes ne sont pas claires et, si l’on tient compte des déclarations de Netanyahou après le lancement de la proposition, un tel retrait n’aura pas lieu.
- Il n’est pas fait mention des plus de 10 000 Palestiniens détenus illégalement. Et, comme dans d’autres propositions antérieures, on impose d’abord des devoirs à l’occupé plutôt qu’à l’occupant.
- Israël libérerait moins de 15 % des personnes qu’il a détenues depuis octobre 2023. La formulation reconnaît qu’il détient des mineurs.
- Il propose la reddition du Hamas. En d’autres termes, il tente de gagner à la table ce qu’il n’a pas réussi sur le champ de bataille. Israël a échoué militairement.
- Il subordonne la fourniture d’aide humanitaire à la reddition du Hamas. L’humanitaire est, par définition, inconditionnel. Soutenir cela revient à soutenir l’usage de la faim comme stratégie de guerre.
- L’autodétermination des Gazaouis n’est même pas insinuée. La proposition d’un « gouvernement apolitique » est une contradiction dans les termes. De plus, un gouvernement dirigé par Trump et Tony Blair n’est pas une garantie. Le projet soumet l’Autorité palestinienne (AP) à une réforme imposée de l’extérieur qui vise à « attirer des investisseurs ». Lisez : annexer le néolibéralisme au génocide.
- On dit que personne ne sera forcé à partir, ni interdit de revenir. Les réfugiés de 1948 attendent encore qu’Israël respecte les résolutions de l’ONU et les laisse revenir. La constante d’Israël est la déportation.
- Le Hamas est plus qu’une simple milice ; l’exclure de l’avenir de Gaza est à la fois naïf et pervers. C’est ne pas reconnaître ce qu’est le Hamas. On projette également une Gaza démilitarisée, ce qui est incompatible avec l’idée d’un État palestinien souverain.
- Le danger régional présenté dans la proposition est le Hamas, alors qu’il n’a bombardé ni le Liban, ni le Yémen, ni la Syrie, ni l’Irak, ni l’Iran, ni le Qatar.
- Le retrait progressif de l’armée israélienne de Gaza répète la formule échouée des Accords d’Oslo. Quelle marge y a-t-il pour croire Israël ? De plus, on réduit Gaza et on exclut la Cisjordanie et Jérusalem-Est de la discussion.
- Si le Hamas n’accepte pas, alors l’armée israélienne délègue ses tâches aux forces internationales de stabilisation. Autrement dit, il est certain que l’agenda politique de cette force proposée suivra l’agenda israélien.
- On parle de la paix comme d’une abstraction, de préférence sans mentionner Jérusalem, le mur ni les colonies. Mais on appelle cela un “plan de paix”.
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Dessin de Piet, France
Plan de paix, au-delà d’une liste de courses
Le plan, dans son ensemble, comporte plusieurs erreurs de fond :
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- Il maintient une lecture selon laquelle Gaza est une chose et la Cisjordanie en est une autre ; par conséquent, toute allusion à l’unité palestinienne ou à son autodétermination est une déclaration vide.
- Ce projet démasque complètement la tendance croissante à reconnaître l’État de Palestine et montre que cette reconnaissance était vide de contenu. Tous les pays qui, à la dernière minute, voulaient reconnaître la Palestine, se plient désormais à un plan qui ne reconnaît pas la Palestine.
- La reconnaissance de l’État palestinien n’est pas perçue comme un droit légitime d’un peuple occupé mais comme une carte de négociation sur la table : soit c’est un mensonge soit ça se retire selon les convenances politiques.
- Rappelons qu’en 1982, la communauté internationale a offert, par le biais de l’ONU, aux milices palestiniennes de quitter les camps de réfugiés de Beyrouth, en s’engageant à respecter la vie des civils. Et quelques semaines plus tard, il y eut le génocide de Sabra et Chatila. Demande-t-on encore aux Palestiniens de croire que la communauté internationale va les protéger ?
- Confier le gouvernement de Gaza à un représentant des élites anglaises actuelles (descendantes de celles qui ont soutenu la création de l’État d’Israël) et au président des USA qui soutient un génocide est tout simplement indéfendable. L’opinion des Palestiniens en général et des Gazaouis en particulier ne compte pas.
- Les accords d’Oslo ont beaucoup enseigné sur ce qu’il ne faut pas faire : confondre les minima de départ avec le point d’arrivée, signer pour ne pas appliquer, mettre les devoirs de la victime avant ceux du bourreau, croire en la communauté internationale comme sauvegarde et négocier en laissant de côté tout ce qui relève du droit international. Ainsi, l’échec semble garanti.
P.S. : Les opinions exprimées dans cet article sont exclusivement celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position de l’institution pour laquelle il travaille. L’auteur est le conseiller pour les affaires du Moyen-Orient du président colombien.
Víctor de Currea-Lugo | 30 septembre 2025
Traduit par Tlaxcala